La bataille des forces d’occupation françaises et des forces de Fatih Rabah le 22 avril 1900 a abouti à la fin de l’ère des royaumes au Tchad et l’émergence de l’État actuel du Tchad, dans la région située entre le monde arabo-islamique et l’Afrique équatoriale. Aujourd’hui, le Tchad occupe la 184ème place, sur 187 pays, selon l’Indice de Développement Humain Durable.

Conflit religieux 
L’Islam s’est répandu dans cette région depuis 1090 G, avec la Conversion du Roi de Kanem, «Dunama Dabalimi» à la religion islamique, alors que la propagation du christianisme a été retardée jusqu’en 1920, avec l’arrivée des missionnaires baptistes évangéliques américains, ce qui a conduit à une rivalité entre les adeptes des deux religions monothéistes, la minorité chrétienne dominante à l’Ouest, au Nord et à l’Est, et les musulmans au sud. Cette rivalité a souvent conduit à des affrontements armés sanglants, tel le jihad mené par Cheikh Ismail Ahmed Bishara, en juin 2008, dans la région de Baghirmi au centre du Tchad.

La communauté musulmane a souffert par ailleurs de la polarisation entre les courants soufi et salafiste, que ce soit au niveau du discours, des principes ou des symboles.

Économie et armes
L’instabilité économique aux frontières du Tchad, notamment dans sa partie Nord, et dans ses parties Est et Ouest, dans la région du Lac Tchad, constituée d’un archipel de plus de 400 îles, la détérioration des infrastructures et l’absence de services sociaux de base, poussent les jeunes aux activités économiques illégales et à l’idéologie extrémiste. Ces jeunes se nourrissent d’idées déviantes, notamment dans les zones frontalières reculées. Au lieu d’être une ligne de partage entre les États, les régions frontalières sont devenues une zone d’interaction culturelle et sociale, faisant subir aux groupes ethniques installés dans ces régions les croyances et les idées les plus obscures, telle l’approche Takfiri, prônée par Boko Haram.

La circulation incontrôlée des armes légères, due à la détérioration politique des États de la région, est un catalyseur de la violence, sous toutes ses formes.

La résurgence de conflits ethniques et sectaires destructeurs, ces dernières années, montre l’impact du trafic d’armes sur la formation des valeurs de la société et la réalité politique, religieuse et économique du pays. La propagation de l’esclavage et de la tyrannie dans certaines parties du pays, l’augmentation du nombre de réfugiés et l’exacerbation des crises régionales alimentent également l’extrémisme et la violence.

Tout cela affecte les zones nanties et accroît la pauvreté des zones démunies et les oblige à dépendre de l’aide humanitaire, comme les gouvernorats de Buhaira, Kanam, Barah Al-Ghazal et Al-Oudai, et d’autres gouvernorats de la région Sud, où les populations souffrent de la pauvreté, du crime et de la disposition à accepter la rhétorique extrémiste.

La zone frontalière du lac Tchad, proche du fief de Boko Haram, devenue le théâtre d’actions terroristes organisées, traduit cette crise.

Éducation et extrémisme
Selon les statistiques, le taux d’analphabétisme a atteint 96% pour les hommes et 97% pour les femmes, en plus de près d’un million de jeunes non scolarisés, exemple tragique de refus de scolarisation dans les régions de Barah Al-Ghazal et Kanem. Cette situation renforcer les positions des défenseurs des analyses sécuritaires étroitement liées aux problèmes éducatifs, car la jeunesse sans instruction ou peu instruite est une proie facile aux idées perverses et autres vendeurs d’illusions destructrices.

L’impact de l’éducation sur la sécurité impose le suivi de l’éducation informelle dans les medersas, aux résultats inadaptés au marché du travail, et qui dépend d’enseignants incompétents pédagogiquement et méthodologiquement. Certains centres éducatifs deviennent des foyers de conflits dogmatiques sources de batailles sanglantes, ce qui contraint le Conseil Suprême des Affaires Islamiques, organe représentatif de l’Islam au Tchad, à fermer certains écoles et lieux de culte, pour couper cours à la polarisation engendrant extrémisme et violence entre les adeptes de différentes approches idéologiques et dogmatiques.

Lutte contre l’extrémisme
Le manque de sensibilisation du public à l’importance de mettre en œuvre certaines des mesures prises par l’État dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, notamment les perquisitions physiques et la fermeture des rues, lors des prières du vendredi, pose des problèmes majeurs dans les mosquées situées dans les provinces Sud de la capitale, ainsi que dans la région Sud du pays, où se multiplient les querelles et les affrontements entre citoyens et membres du Comité de Vigilance des mosquées.

Dans les zones rurales, les groupes d’autodéfense soutenant les forces armées (logistiquement) contribuent à la détérioration des relations entre les composantes de la société, en raison des violations systématiques des Droits de l’homme.

L’extrémisme au Tchad n’est pas uniquement le fruit des actes de violence interdits par la religion, mais il est également dû à la propagation de l’instabilité dans les différents domaines politique, économique, social et culturel, et aux interactions entre les composantes sociales internes et les parties externes cherchant à atteindre leurs propres objectifs.

La plupart des facteurs susmentionnés font partie de la lecture quantitative de la situation privilégiée par la littérature sur l’extrémisme violent au Tchad.

Pourtant, les statistiques ne peuvent à elles seules rendre compte de la question de l’extrémisme, qui change de forme, de contenu et de motivations, et devient de jour en jour de plus en plus complexe, dans un pays en situation d’après-conflit, comme c’est le cas au Tchad. Il convient de noter la nécessité de mettre en évidence le parcours des individus dans le cadre des études de suivi du phénomène de l’extrémisme, notamment au regard de leur passé, de leurs émotions, de leurs frustrations, de leurs sentiments de colère et de honte, et de leur interaction avec la société dans le cadre de l’approche qualitative. Ainsi, les résultats des études seront précis et les recommandations plus utiles pour comprendre le phénomène de l’extrémisme et lui trouver des solutions appropriées.